1.2. Du monde clos à l’univers infini
“Du monde clos à l’univers infini”
Alexandre Koyré, dans son ouvrage “Du monde clos à l’univers infini”, étudie le changement de vision du monde survenu entre le Moyen Âge et l’époque moderne. Il explique comment la conception aristotélicienne d’un univers hiérarchisé et clos a été remplacée par l’idée moderne d’un univers infini.
Le monde Clos
L’astronomie médiévale et antique, influencée par Aristote et Ptolémée, voit l’univers comme “cosmos” (kosmos, en grec = monde et ordre), décrit comme un “monde clos” (fermé). Le monde est conçu comme une totalité finie, limitée, ordonnée et hiérarchisé : la Terre est au centre de l’univers (géocentrisme) et les cieux sont parfaits et immuables (sans changement). Cette cosmologie vient d’Aristote, pour qui l’univers est un ensemble clos et limité, où chaque élément a une place et une fonction spécifiques, et où les lois terrestres (le monde sublunaire) et célestes (le monde supralunaire) sont distinctes.
- La terre est plate et se trouve au centre du monde. Le monde sublunaire est soumis au temps qui passe et à l’imperfection.
- Au-dessus, le soleil effectue un mouvement circulaire et régulier autour de la terre tandis que les étoiles sont fixes. Le monde supralunaire est celui des Dieux et des corps éternels (comme le soleil et les étoiles).
L’Univers Infini
A partir de la renaissance, la science conçoit le monde comme un “univers infini”, homogène et non-hiérarchisé.
- Un uinvers infini : Giordano Bruno est le premier à postuler l’infinité de l’univers. Cela signifie que notre système solaire n’est donc pas unique, et qu’il existe ailleurs d’autres mondes semblables au nôtre.
- Absence de hiérarchie et homogénéité : Copernic, en plaçant le Soleil au centre de l’univers (héliocentrisme), fait de la terre une planète comme les autres. L’univers ne tourne plus autour de la Terre qui serait au centre, et elle perd sa singularité. Les mêmes lois régissent l’ensemble de l’univers, et il n’y a plus de différence entre le bas, le monde sublunaire, et le haut, le monde supralunaire.
Alexandre Koyré, Du monde clos à l’univers infini (1973) |
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J’ai essayé […] de définir les schémas structurels de l’ancienne et de la nouvelle conception du monde et de décrire les changements produits par la révolution du XVIIe siècle. Ceux-ci me semblent pouvoir être ramenés à deux éléments principaux, d’ailleurs étroitement liés entre eux, à savoir la destruction du Cosmos, et la géométrisation de l’espace, c’est-à-dire : a) la destruction du monde conçu comme un tout fini et bien ordonné, dans lequel la structure spatiale incarnait une hiérarchie de valeur et de perfection, monde dans lequel « au-dessus » de la Terre lourde et opaque, centre de la région sublunaire du changement et de la corruption, s’« élevaient » les sphères célestes des astres impondérables, incorruptibles et lumineux, et la substitution à celui-ci de l’Univers indéfini, et même infini, ne comportant plus aucune hiérarchie naturelle et uni seulement par l’identité des lois qui le régissent dans toutes ses parties, ainsi que par celle de ses composants ultimes placés, tous, au même niveau ontologique ; et : b) le remplacement de la conception aristotélicienne de l’espace, ensemble différencié de lieux intramondains, par celle de l’espace de la géométrie euclidienne – extension homogène et nécessairement infinie – désormais considéré comme identique, en sa structure, avec l’espace réel de l’Univers. Ce qui, à son tour, impliqua le rejet par la pensée scientifique de toutes considérations basées sur les notions de valeur, de perfection, d’harmonie, de sens ou de fin, et finalement, la dévalorisation complète de l’Être, le divorce total entre le monde des valeurs et le monde des faits. |
Expliquez les deux éléments qui différencient l’ancienne et la nouvelle conception scientifique du monde. |