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2. Transmettre, ou émanciper ?

Hannah ARENDT, « la crise de l’éducation », extrait de La crise de la culture, 1961
Évitons tout malentendu : il me semble que le conservatisme, pris au sens de conservation, est l’essence même de l’éducation, qui a toujours pour tâche d’entourer et de protéger quelque chose – l’enfant contre le monde, le monde contre l’enfant, le nouveau contre l’ancien, l’ancien contre le nouveau. Même la vaste responsabilité du monde qui est assumée ici implique bien sûr une attitude conservatrice. Mais cela ne vaut que dans le domaine de l’éducation, ou plus exactement dans celui des relations entre enfant et adulte, et non dans celui de la politique où tout se passe entre adultes et égaux. […]
Pour préserver le monde de la mortalité de ses créateurs et de ses habitants, il faut constamment le remettre en place. Le problème est tout simplement d’éduquer de façon telle qu’une remise en place demeure effectivement possible, même si elle ne peut jamais être définitivement assurée. […]
Dans le monde moderne, le problème de l’éducation tient au fait que par sa nature même l’éducation ne peut faire fi de l’autorité, ni de la tradition, et qu’elle doit cependant s’exercer dans un monde qui n’est pas structuré par l’autorité ni retenu par la tradition. […]
En pratique, il en résulte que, premièrement, il faudrait bien comprendre que le rôle de l’école est d’apprendre aux enfants ce qu’est le monde, et non pas leur inculquer l’art de vivre. Étant donné que le monde est vieux, toujours plus vieux qu’eux, le fait d’apprendre est inévitablement tourné vers le passé, sans tenir compte de la proportion de notre vie qui sera consacrée au présent. Deuxièmement, la ligne qui sépare les enfants des adultes devrait signifier qu’on ne peut ni éduquer les adultes ni traiter les enfants comme de grandes personnes.
1. Expliquez en quoi l’éducation est conservatrice, selon H. Arendt.
2. Quel est le rôle de l’éducation ? Que doit-elle transmettre ?
3. Pensez-vous que, pour H. Arendt, l’éducation doit contraindre, ou libérer ?

Préparation de l’évaluation “essai philosophique”

Vous aurez à faire en deux heures un essai philosophique sur le texte d’Hannah Arendt. Il faudra utiliser toute la leçon 4 pour développer vos arguments.

  • La question d’interprétation, sur ce texte, est : Pourquoi, selon H. Arendt, l’education est-elle conservatrice ?

    -> Faire le plan et écrire l’introduction de ce sujet (non évalué)

  • Le sujet de l’essai philosophique sera donné le jour de l’évaluation
Georg Wilhelm Friedrich HEGEL, Encyclopédie des sciences philosophiques (1817)
L’affirmation selon laquelle le maître doit s’adapter à l’individualité de chacun de ses élèves, l’étudier et la développer, doit être traitée comme un bavardage inutile. Il n’a tout simplement pas le temps de le faire. Les particularités des enfants sont tolérées au sein du cercle familial ; mais à l’école commence une vie soumise à des règlements généraux, à une règle qui s’applique à tous ; c’est le lieu où l’esprit doit être amené à sortir de ses idiosyncrasies, à connaître et à désirer l’universel, à accepter la culture existante. Ce remodelage de l’âme, c’est cela seul que signifie l’éducation. Plus un homme est instruit, moins il y a dans son comportement quelque chose de propre à lui seul, de simplement contingent.
(w
Caractère individuel, tempérament personnel.)
1. Expliquez et justifiez la conception qu’Hegel se fait de l’éducation.
2. Sa conception est-elle conservatrice ou émancipatrice ?
Alexis de TOCQUEVILLE, De la Démocratie en Amérique (1835)
L’éducation, aussi bien que la charité, est devenue, chez la plupart des peuples de nos jours, une affaire nationale. L’État reçoit et souvent prend l’enfant des bras de sa mère pour le confier à ses agents ; c’est lui qui se charge d’inspirer à chaque génération des sentiments, et de lui fournir des idées. L’uniformité règne dans les études comme dans tout le reste : la diversité comme la liberté en disparaissent chaque jour.
1. Qu’est-ce que Tocqueville critique dans l’éducation publique ?
2. Sa conception est-elle conservatrice ou émancipatrice ?
Jacques RANCIERE, Le maître ignorant (1987)
Qui enseigne sans émanciper abrutit. Et qui émancipe n’a pas à se préoccuper de ce que l’émancipé doit apprendre. Il apprendra ce qu’il voudra, rien peut-être. Il saura qu’il peut apprendre parce que la même intelligence est à l’œuvre dans toutes les productions de l’art humain, qu’un homme peut toujours comprendre la parole d’un autre homme.
Pourquoi et comment le maître doit-il émanciper son élève, selon Rancière ?
Adolphe FERRIÈRE, Charte de l’éducation nouvelle
(Ligue internationale pour l’Éducation Nouvelle, 1921)
La Ligue internationale pour l’Éducation Nouvelle (LIEN) fut créée en 1921 lors du premier congrès de l’éducation nouvelle à Calais. Au cours des années qui suivent et jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, ses congrès rassembleront les militants de l’éducation nouvelle, permettant des échanges sur les pratiques et les travaux de recherche de chacun. Parmi les cofondateurs figurent John Dewey, Ovide Decroly, Jean Piaget, Maria Montessori, Beatrice Ensor, Adolphe Ferrière et Elisabeth Rotten.

1 - Le but essentiel de toute éducation est de préparer l’enfant à vouloir et à réaliser dans sa vie la suprématie de l’esprit ; elle doit donc, quel que soit par ailleurs le point de vue auquel se place l’éducateur, viser à conserver et accroître chez l’enfant l’énergie spirituelle.
2 - Elle doit respecter l’individualité de l’enfant. Cette individualité ne peut se développer que par une discipline conduisant à la libération des puissances spirituelles qui sont en lui.
3 - Les études et, d’une façon générale, l’apprentissage de la vie, doivent donner libre cours aux intérêts innés de l’enfant, c’est-à-dire ceux qui s’éveillent spontanément chez lui et qui trouvent leur expression dans les activités variées d’ordre manuel, intellectuel, esthétique, social et autres.
4 - Chaque âge a son caractère propre. Il faut donc que la discipline personnelle et la discipline collective soient organisées par les enfants eux-mêmes avec la collaboration des maîtres; elles doivent tendre à renforcer le sentiment des responsabilités individuelles et sociales.
5 - La compétition égoïste doit disparaître de l’éducation et être remplacée par la coopération qui enseigne à l’enfant à mettre son individualité au service de la collectivité.
6 - La coéducation réclamée par la Ligue, — coéducation qui signifie à la fois instruction et éducation en commun —, exclut le traitement identique imposé aux deux sexes, mais implique une collaboration qui permette à chaque sexe d’exercer librement sur l’autre une influence salutaire.
7 - L’éducation nouvelle prépare, chez l’enfant, non seulement le futur citoyen capable de remplir ses devoirs envers ses proches, sa nation, et l’humanité dans son ensemble, mais aussi l’être humain conscient de sa dignité d’homme.
1. Quels sont les buts et les moyens de l’éducation nouvelle selon A. Ferrière ?
2. Pensez-vous que, pour A. Ferrière, l’éducation doit contraindre, ou libérer ?
3. Expliquez en quoi cette conception de l’éducation s’oppose à celle d’H. Arendt.

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