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1. Pourquoi ressentons-nous de la pitié ?

Sommaire

Exercice

Les trois textes suivants donnent des définitions de la pitié (ou compassion) et les raisons pour lesquelles nous la ressentons. Pour chaque texte, surlignez d’une couleur la définition de la pitié, et d’une autre les causes qui nous la font ressentir. Faites ensuite un tableau dans lequel vous synthétiserez votre étude des textes :

  René Descartes Adam Smith Henri Bergson
Définitions
de la pitié
     
Causes de
la pitié
     

Texte de Descartes

TEXTE N°1 : Descartes, Les passions de l’âme (1649)
185 - La pitié est une espèce de tristesse mêlée d’amour ou de bonne volonté envers ceux à qui nous voyons souffrir quelque mal duquel nous les estimons indignes. (…)
186 - Ceux qui se sentent fort faibles et fort sujets aux adversités de la fortune semblent être plus enclins à cette passion que les autres, à cause qu’ils se représentent le mal d’autrui comme leur pouvant arriver ; et ainsi ils sont émus à la pitié plutôt par l’amour qu’ils se portent à eux-mêmes que par celle qu’ils ont pour les autres.
187 - Mais néanmoins ceux qui sont les plus généreux et qui ont l’esprit le plus fort, en sorte qu’ils ne craignent aucun mal pour eux et se tiennent au-delà du pouvoir de la fortune, ne sont pas exempts de compassion lorsqu’ils voient l’infirmité des autres hommes et qu’ils entendent leurs plaintes. Car c’est une partie de la générosité que d’avoir de la bonne volonté pour un chacun. Mais la tristesse de cette pitié n’est pas amère.

Texte d’Adam Smith

TEXTE N°2 : Adam Smith, Théorie des sentiments moraux (1759)
Aussi égoïste que l’homme puisse être supposé, il y a évidemment certains principes dans sa nature qui le conduisent à s’intéresser à la fortune des autres et qui lui rendent nécessaire leur bonheur, quoiqu’il n’en retire rien d’autre que le plaisir de les voir heureux. De cette sorte est la pitié ou la compassion, c’est-à-dire l’émotion que nous sentons pour la misère des autres, que nous la voyions ou que nous soyons amenés à la concevoir avec beaucoup de vivacité. Que souvent notre chagrin provienne du chagrin des autres est un fait trop manifeste pour exiger des exemples afin de le prouver. En effet, ce sentiment, comme toutes les autres passions originelles de la nature humaine, n’est pas seulement éprouvé par les hommes vertueux et doués d’humanité, quoique peut-être ces derniers puissent le sentir avec la plus exquise sensibilité. Le brigand le plus brutal, le plus endurci de ceux qui violent les lois de la société, n’est est pas totalement dépourvu.
Parce que nous n’avons pas une expérience immédiate de ce que les autres hommes sentent, nous ne pouvons former une idée de la manière dont ils sont affectés qu’en concevant ce que nous devrions nous-mêmes sentir dans la même situation. Que notre frère soit soumis au supplice du chevalet, aussi longtemps que nous serons à notre aise, jamais nos sens ne nous informeront de ce qu’il souffre. Ces derniers n’ont jamais pu et ne peuvent jamais nous transporter au-delà de notre propre personne. Ce n’est que par l’imagination que nous pouvons former une conception de ce que sont nos sensations. Et cette faculté ne peut nous y aider d’aucune autre façon qu’en nous représentant ce que pourraient être nos propres sensations si nous étions à sa place. Ce sont les impressions de nos sens seulement et non celle des siens, que nos imaginations copient. Par l’imagination nous nous plaçons dans sa situation, nous nous concevons comme endurant les mêmes tourments, nous entrons pour ainsi dire à l’intérieur de son corps et devenons, dans une certaine mesure, la même personne.

Texte de Bergson

TEXTE N°3 : Henri Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience (1889)
Considérons la pitié, par exemple. Elle consiste d’abord à se mettre par la pensée à la place des autres, à souffrir de leur souffrance. Mais si elle n’était rien de plus, comme quelques-uns l’ont prétendu, elle nous inspirerait l’idée de fuir les misérables plutôt que de leur porter secours, car la souffrance nous fait naturellement horreur. Il est possible que ce sentiment d’horreur se trouve à l’origine de la pitié; mais un élément nouveau ne tarde pas à s’y joindre, un besoin d’aider nos semblables et de soulager leur souffrance. Dirons-nous, avec La Rochefoucauld, que cette prétendue sympathie est un calcul, “une habile prévoyance des maux à venir” ? Peut-être la crainte entre-t-elle en effet pour quelque chose encore dans la compassion que les maux d’autrui nous inspirent, mais ce ne sont toujours là que des formes inférieures de la pitié. La pitié vraie consiste moins à craindre la souffrance qu’à la désirer. Désir léger, qu’on souhaiterait à peine de voir réalisé, et qu’on forme pourtant malgré soi, comme si la nature commettait quelque grande injustice, et qu’il fallût écarter tout soupçon de complicité avec elle. L’essence de la pitié est donc un besoin de s’humilier, une aspiration à descendre. Cette aspiration douloureuse a d’ailleurs son charme, parce qu’elle nous grandit dans notre propre estime, et fait que nous nous sentons supérieurs à ces biens sensibles dont notre pensée se détache momentanément. L’intensité croissante de la pitié consiste donc dans un progrès qualitatif, dans un passage du dégoût à la crainte, de la crainte à la sympathie, et de la sympathie elle-même à l’humilité.